dimanche 27 mars 2011

L'AÉRODYNAMIQUE NOUVELLE EST ARRIVÉE

Et aussi le Beaujolais nouveau!

Cz instantané et décrochage retardé.

L'aérodynamique in-stationnaire annonce des Cz instantanés très élevés. Ils valent pour des temps courts, de petits Reynolds et il ne faut pas oublier que c'est à de très grands angles d'attaque qu'ils se produisent. Je crois me rappeler qu'à 45º Cz et Cx minimum théorique sont égaux, en ce cas si l'on a Cz 4 on aura aussi Cx 4. Est-ce que je me trompe, cela est dû à une simple question mécanique à première vue? La trainée de frottement, elle, peut tarder un instant à s'établir. Il semble que pour les insectes et les colibris ce fort Cx ne soit qu'un détail, dans leur type de vol portance et trainée … portent. Mais de notre point de vue qui traite de grands, voire de très grands oiseaux, c'est prohibitif. Même en supposant des effets in-stationnaires très bien exploités le vol économique en translation se fera à des angles d'attaque modérés.

D'autre part Alfred Jabes dans les publications de l'URVAM, « Le Vol Naturel » en l'occurrence, fait état d'affirmations de Marcel Chabonnat sur la finesse infinie en régime transitoire. Je cite :

« Finesse transitoire »
“Nous retiendrons textuellement la remarque très importante suivante, citée par Mr. M. CHABONNAT :
*'La finesse transitoire" : lorsqu'une aile est mise en mouvement dans un fluide au repos la moitié de la portance s'établit instantanément et elle augmente ensuite pour atteindre sa valeur totale en régime permanent.
Dans le même temps la trainée qui est nulle au départ croît comme la racine carrée du temps.
Il suffit donc de rester en régime d'écoulement non permanent pour améliorer les qualités de l'aile.
Au départ la finesse est presque infinie et elle diminue avec le temps pour arriver à sa valeur normale dés que l'écoulement permanent est obtenu.
Il faut donc rompre l'écoulement périodiquement pour profiter des propriétés des écoulements in-stationnaires. C'est ce que font les oiseaux depuis des millénaires.”

En effet c'est alléchant. Il faut et il suffit de battre des ailes pour l'obtenir ! Et si, par les dimensions de l'appareil, par les forces mises en jeu, celles du pilote par exemple et celles de la résistance de la machine devant ses efforts, nous n'arrivons qu'à des rythmes très lents ! Que reste-t-il de ce merveilleux phénomène ? Le bénéfice sera en tous cas d'autant plus faible que la lenteur du battement laissera la trainée revenir au galop ... de la racine carrée du temps.
En fait je ne m'en fais pas, de toute façons ce cadeau de la nature est toujours bon à prendre. Grappillons donc quelques instants de trainée nulle. Cependant même si le phénomène est du plus haut intérêt, il concerne surtout les insectes et les petits oiseaux. Donc les MAV et drones sont de la partie.
Le « colibri » d'AeroVironment bénéficie certainement de Cz instantanés élevés mais sa sustentation est due aussi à tous les paramètre du phénomène éventail, force Magnus, centrifuge et résistance aérodynamique.
Quand à la manière de concevoir un appareil qui profite au mieux des bontés de l'aérodynamique transitoire, je sèche. Ou bien on se cantonne aux petites machines qui battent vite à plaisir, ou bien on accepte l'ornithoptère partiel, de bon cœur ou non. Sinon les phénomènes in-stationnaires qui ne durent qu'un instant par définition n'aident guère à faire voler un Snowbird ou son successeur, s'il en a un jour !

Autre problème Strouhal :

Alfred Jabes attire également notre attention sur le nombre de Strouhal. Il dit :

« En effet, en théorie, Villat et Karman disent qu'en régime stable : le rapport (sans dimensions) A/VT = 0,28, où
A est l'Amplitude
V la Vitesse horizontale de déplacement
T le Temps d'une période
Ceci est corroboré en pratique par l'observation de la nage des poissons : on cite le nombre de Strouhal : A/VT = 0,30
Enfin, personnellement, lorsque des valeurs dignes de bonne foi ont pu être utilisées, soit pour des insectes, soit pour des oiseaux, soit même pour la maquette volante du ptérodactyle de Mac Cready, nous avons trouvé des valeurs très proches de 0,28 et même pour le True‑Fly.
Remarque : A / VT= 0,28 Si l'on fait intervenir que A = v.T/2
où v est la vitesse verticale d'abaissée ou de relevée de l'aile, il s'ensuit que
v/2 V = 0,28”


Il est vrai que derrière un cylindre en mouvement ou plongé dans un courant le fluide est perturbé de telle manière que se forme une rue de Karman dans son sillage. Son rythme dépend très peu de la turbulence et des Reynolds. Strouhal avait constaté que les fils télégraphique chantaient et ses mesures donnaient un St de 0,20 ou presque. Tout le monde derrière lui a toujours trouvé un St de 0,20 dans l'air. Dans d'autres gaz le St serait différent. Laissons de côté les poissons, les dauphins et les baleines non parce qu'ils sont dans l'eau mais parce que nous pensons ornithoptère.
Revenons à l'air libre et à nos oiseaux et ne laissons pas que les baleines nous encombrent.
Or nos oiseaux n'évoluent pas toujours à 0,28 St. A l'Université de Lund, Rosen, Spedding et Hedenström donnent comme « reduced frequency » de l'hirondelle des fenêtres 0,31 certes à 4 m/s, 0,21 à 6 m/s, 0,15 à 8 m/s et 0,11 à 10 m/s. Je sais que reduced frequency (k=Fc/V, où c est la corde moyenne de l'aile) et St sont deux choses différentes. Mais quand l'amplitude est à peu près constante ces nombres se suivent de près ou de loin. Et il me paraît dans l'ordre des choses que les oiseaux expérimentent des St différents dans leurs diverses allures et vitesses. Alors je calcule que nos petites hirondelles volent à St 0,21 à 4 m/s. C'est la vitesse où elles emploient le St le plus élevé. Dans le reste de leur domaine de vol elles sont à des St faibles : 0,12 St à 8 m/s et 0,11 St à 10 m/s. Si le rythme propre de la perturbation dans l'air à pression et température ordinaire est de 0,20 St, alors la réponse de l'oiseau à 0,28 St est « un accord » 4/3 d'onde qui me semble bizarre. Je préfère les 0,11 Rf ou St de l'hirondelle c'est un accord demi/onde, plus musical, non ?
Car s'il s'agit bien d'élasticité du milieu, nous devons raisonner en termes d'acoustique et trouver pourquoi des St de environ 0,30 sont le comble de l'efficacité. Dans le cas des animaux marins, le milieu ? Ou simplement qu'à 0,20 St le rendement de propulsion est au top niveau mais la traction encore insuffisante. Certains essais de palettes oscillantes ont montré un pic de rendement à 0,10 St dans l'eau, mais avec une traction très faible donc de peu d'intérêt en pratique.
Mais franchement il nous faut pénétrer plus avant dans le phénomène acoustique qui accompagne le vol battu pour dire quelque chose de construit à ce sujet ... Et pour confirmer ou infirmer ce St de 0,28 dont parle Jabes pour le vol battu. La p'tite hirondelle ne semble pas suivre les conseils de Jabes. Au point de vue théorique il nous faudra étudier Villat et Karman, je vous préviens, c'est pas du gâteau.

Recapture.

Déjà a la moitié du siècle passé l'ingénieur et éthologiste Etienne Oemichen supposait que les animaux se servaient du tourbillon comme d'appui, récupérant ainsi une part de son énergie. Cela suppose une synchronisation difficile à imaginer. Que les animaux avec leur débauche de senseurs y arrivent, je veux bien, mais qu'elle puisse servir à un ornithoptère j'en doute du moins dans un proche avaenir.

Limites à la mise en pratique de l'aérodynamique transitoire.


Quand à la manière de concevoir un appareil qui profite au mieux des bontés de l'aérodynamique transitoire, je sèche. Ou bien on se cantonne aux petites machines qui battent vite à plaisir, puissantes et possiblement fragiles, ou bien on accepte l'ornithoptère partiel, de bon cœur ou non. Sinon les phénomènes in-stationnaires qui ne durent qu'un instant par définition n'aideront guère à faire voler un Snowbird ou son successeur, s'il en a un jour !


Ceci dit ne croyez pas que je déprécie à Chabonnat et à Jabes. Le premier m'a beaucoup appris et Jabes lance une conjecture certes osée mais qui risque d'être juteuse quand nous aurons vraiment compris tout cela, ce n'est d'ailleurs qu'une question de chiffres, 0,20 contre 0,28 ne retirent rien au phénomène d'accord que suppose Jabes.

Les systèmes de portance hautement non-planaires.

C'est le titre que donne Ilian Kroo à son long article passant en revue les progrès possibles et probables dans l'aérodynamique des ailes. Il considère que la réduction de la trainée induite est la voie la plus prometteuse.
Ilian Kroo a tout pour nous plaire. Encore enfant il a mis ses efforts dans la mise au point des premiers Deltas à structure de bambou. Depuis il a contribué largement à leur développement puis à la naissance du Swift en optimisant son aile. Par la même occasion il a démontré scientifiquement que l'aile volante peut atteindre des performances égales à celles du planeur en T. Auparavant les ingénieurs considéraient que le planeur Horten était mal venu et ne profitait guère de ses vertus quand aux résistances parasites. Kroo a su faire que le vrillage soit à la fois stabilisateur et établisse la répartition de portance optimale. Ajoutez à ce savoureux cocktail des Winglets très hauts qui sont par la même occasion les dérives-timons de direction. Il les fallait pour cette obligation primordiale, en prime ils augmentent l'efficacité/envergure. Le planeur Horten bien que critiqué postérieurement était plutôt bien vu, il lui suffisait de renoncer au grand effilement qui lui venait de années trente. Le planeur canadien BKB 1A auquel Kasper contribua peut-être quelque peu annonçait ce virage, de même la Kasper-Wing, mais elle est mise en valeur surtout pour ses dérives originales permettant de garder le contrôle en décrochage complet.
L'article de Kroo date de 1994. A mon avis c'était une incitation à ses étudiants de Standford pour qu'ils fassent leur thèse sur un des sujets proposés. Le texte pose les grands jalons de la recherche de la trainée induite minimum.

Dièdres.
Systèmes fermés.
Aile en C.
Biplans et multiplans.
Sillage non-planaire d'une aile planaire.


Pour le 4 premiers points reportez-vous à l'illustration. A peu de chose près, les chiffres ont été confirmés par d'autres travaux. Les biplans sont considérés sans décalage longitudinal, donc avec une seule ligne de portance. Nous reverrons cela avec les WingGrids dont le décalage vertical est faible et le décalage longitudinal supérieur à une corde. Pour le 5º Kroo cite 2 exemples. Celui du sillage non planaire d'une aile planaire simple mais au bord de fuite incurvé (la nature préfère les bords d'attaque incurvés, aile de martinet p.ex.) et celui des travaux de Smith pour la NASA sur les "split tips", une aile à deux plumes pour résumer. Les calculs classiques donnent dans le cas du modèle une amélioration de 5% et en réalité le gain est de 11% ce qui a étonné les chercheurs et les a obligé à affuter les simulations les plus pointues.

Les WingGrids LaRoche.
On a dans ce cas en bout d'aile une série d'ailettes qui résultent plus efficaces que tous les autres systèmes proposés. Les conditions de la réussite si l'on écoute le cabinet LaRoche sont très strictes. Espaces, inclinaisons, profils et Cz max des ailettes doivent être sérieusement optimisés. Dans les meilleures conditions, une grille d'envergure et de nombre d'éléments modérés peut multiplier l'efficacité envergure par 2 ou 3. On croit rêver, mais non. Des essais en vol de modèles réduits assymétriques, de planeurs et avions grandeur, puis des maquettes en vol circulaire ont confirmé les résultats. Le même modèle de VCC a été testé par des mesures de vélocité de particules qui confirment les précédentes expériences. Nous avons là le bord marginal de l'aile d'oiseau réalisé par des techniciens. C'est très laid! mais ça marche. Alors pourquoi les WingGrids LaRoche ne sont pas devenus monnaie courante ? Gourmandise des auteurs en royalties ? Je ne pense pas, bien plutôt un problème d'ingénierie, le moment à l'emplanture étant en nette augmentation relativement à une aile de même envergure les conséquences sur la masse à vide sont plutôt mauvaises. La définition du système LaRoche concerne une répartition de portance rectangulaire. Notez que cela ne semble pas le cas des cigognes. Il faudra du temps avec de préférence une approche théorique nouvelle et confirmée pour l'adapter à une répartition de portance favorable au devis de masses. Il ne restera alors qu'à trouver le moyen de construire léger, ces ailettes me font peur!
Il faudra aussi attendre que les avionneurs renoncent au transsonique car même s'il est envisagé par les auteurs des publications LaRoche, ce n'est pas dans ce domaine-là que le système peut donner tout ses fruits. En effet les gains d'un système non planaire ne sont réels que lorsque le Cz est élevé. En croisière rapide les WingGrids sont un fardeau. Vous me direz que c'est aussi le cas des winglets les plus rustiques. Oui! Mais ils grèvent beaucoup moins la trainée et le moment à l'emplanture, alors le bilan sur un cycle de vol est bénéficiaire, les gains apparaissant quand le Cz est important.
Comme c'est le cas pour le "split tip" de Smith, la théorie en vigueur est prise en défaut. On parle de systèmes non-Munk, de lignes de portance, de l'analyse dans le plan de Trefftz. La conception du sillage de Prandtl et Munk n'est pas fausse, elle a seulement ses limites comme bien des théories physiques. D'ailleurs elle contenait en germe la résolution d'une partie du problème et pouvait s'attaquer à la trainée induite des biplans et multiplans. Des chercheurs ont certainement attaqué la butte, les conditions sociales et économiques actuelles ne favorisant pas les avancées théoriques. En tous cas depuis la fin du siècle dernier, 1994 pour être précis, « Silence Radio ». Ce n'est pourtant pas un domaine « Secret Défense », en tous cas moins que les drones qui font fureur sur Yahoo. Kroo fait-il des MAV ? Faut bien gagner sa tune ! L'Einstein de l'aérodynamique du 21º Siècle n'est sans doute pas né, nous avons pourtant bien besoin de lui.

De l'aile fixe à l'aile battante.

En effet je n'ai pas étudié puis écrit tout ça pour montrer que les beautés de l'aile fixe sont impénétrables. J'ai plus à dire, et ceci me vient d'une « Illumination » !
Bon sang mais c'est bien sûr, une aile battante, non contente de créer un tourbillon de départ à chaque point haut et point bas ce qui serait bénéfique selon Chabonnat et Jabes , par son perpétuel changement de dièdre est un système hautement non-planaire, comme dirait Kroo.
Je m'explique : le tourbillon de départ est généralement considéré comme un phénomène qui ne détourne pas d'énergie. Le sillage en revanche, tout le monde est d'accord, il faut le traîner. Les ailes non-planaires étalent le sillage sur la hauteur, ce que fait également l'aile battante.
Auparavant j'ai insisté dans ces colonnes sur le fait que la force centripète-centrifuge modifiait la circulation transverse et donnait ainsi une efficacité envergure accrue. Cela se complique à la remontée des ailes car la répartition de portance peut devenir mauvaise voire très mauvaise, et il faut le déphasage pour récupérer de l' efficacité envergure. Mais ce gain qui peut être très important, l'est encore plus si le sillage est non planaire du fait des mouvements des ailes et pourquoi pas si leur bord marginal est non planaire comme celui des corneilles.
Si l'on commence à comprendre comment les ailes battantes peuvent espérer atteindre de très hauts rendements on devrait pouvoir commencer à construire des expérimentaux intéressants qui permettraient des mesures pertinentes.

Cela permettrait de sortir de l'ornière et de faire un pas dans le sens d'ordonner nos vues théoriques. Car entre les lignes de portance, le diamètre des tourbillons induits, et un tas d'autres éléments très sérieux mais qui jetés en vrac sur la table font désordre, on a du mal à retrouver ses petits. De nouveaux résultats permettraient peut-être d'envisager de nouvelles simulations valables autant pour l'aile fixe de hautes performances que pour l'aile battante en vol économique.
Car il est une chose qui va de soi : je laisse le vol du colibri aux militaires !
À suivre : les méthodes de réduction de la trainée de frottement.

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