mardi 16 août 2011

LA CONCEPTION D'UN ORNITHOPTÈRE

Au moment de concevoir un ornithoptère l'amateur autant que l'ingénieur ou le scientifique sont confrontés à des choix très vastes. Quels sont donc les bons choix, ceux qui feront de la machine un succès ?
Et je ne pense pas seulement à des choix de forme. Notre engin suivra-t-il l'exemple libellule ou sera-t-il plutôt inspiré des aigles ?
Je ne peux m'empêcher de prêcher pour ce que je vais construire (si je le peux). Les idées dont je suis presque sûr, ne prétendent pas vous être des conseils. Je veux simplement vous informer de ma démarche et serai content qu'elle puisse tant soit peu vous servir.

COMMENT VOLENT LES OISEAUX … ET LES ORNITHOPTÈRES
Sans entrer dans les détails les animaux et engins à aile battante ont en commun le mode de propulsion. Lorsque l'aile s'abat elle porte et procure une traction. Elle a alors un fonctionnement similaire à une hélice, à une différence près, la portance n'est pas annulée par l'autre moitié de l'hélice. Reste à relever les ailes, soit à portance nulle, soit avec un peu de portance : alors l'aile retrouve une trainée. La traction et la trainée doivent s'équilibrer et vaincre également la trainée parasite. C'est du bon traitement de ce problème que résulte le succès d'un ornithoptère, notamment son rendement énergétique.

LES ALLURES
Dans tous les modes de locomotion animale on remarque des allures : chez le cheval, pas, trot et galop ainsi qu'accessoirement l'amble qui est plutôt caractéristique des dromadaires ! Nous mêmes humains avons le pas et la course avec des variantes qui peuvent être considérées comme une autre allure (trot ou footing, marche des marcheurs de compétition). Et ces allures ont leur contre-partie en marche arrière. Oui même le galop arrière s'obtient du cheval … c'est exceptionnel mais je l'ai vu de mes yeux au cirque Zingaro. Le même travail musculaire qui conduit à ces mouvements contraires sert également à freiner l'animal quand il le faut.
Pour le vol battu il en est de même. Nos chers oiseaux qui sont plus faciles à observer que les insectes et les chauve-souris, nous montrent :
0/ Le vol stationnaire propre aux colibris. L'aile porte à l'aller et au retour, moins de toute évidence lorsque l'intrados devient l'extrados (rapport 60/40), car l'aile du colibri reste une aile d'oiseau. Le succès énergétique de ce vol vient très probablement de phénomènes transitoires : portance accrue et moindre trainée, résultats du "clap and fling" ainsi que, peut-être, de la "wake-capture", sinon le pauvre animal ne pourrait pas se nourrir de quelques gouttes de nectar. Je l'appelle allure « 0 » pour la séparer nettement des autres. La translation est obtenue en inclinant le « rotor » comme le font les insectes et les hélicoptères. Si la translation est rapide commence à apparaître une portance semblable à celle d'une aile fixe. En translation économique les colibris que je vois de ma fenêtre mexicaine reprennent les "allures" classiques, le vol à l'allure 0 ne leur sert qu'à butiner.
1/L'envol. Les grands oiseaux l'évitent et préfèrent s'approcher du bord de la falaise. Ainsi les aigles les vautours et les condors. Les plus grands des albatros, plus chargés, ne peuvent guère l'utiliser et doivent donc nicher perchés. Les pélicans qui pourtant n'ont pas de forces à revendre sont contraints à l'utiliser mais courent sur l'eau comme les oies et les cygnes avant de s'envoler. Quand l'envol est bien caractéristique (pigeons par exemple) l'oiseau soulève ses ailes pour les abattre brusquement, le temps suivant ne comporte pas de portance et doit être le plus court possible, dans la limite où les faibles muscles releveurs le peuvent. Au premier coup d'ailes il n'y a guère de vent relatif qui puisse être exploité pour le relevage. Ce temps de relevage est critique car s'il s'allonge la perte d'altitude s'accroit. Les petits et moyens volatiles n'ont pas de problème et même les condors de Californie peuvent répéter plusieurs envols successifs. Les condors andins, plus grands, s'économisent, même quand ils sont parfaitement capables de décoller. Les vautours surpris pendant la digestion doivent régurgiter pour fuir. On peut se demander : Quelles étaient les stratégies des très grands ptérosaures ?
2/ L'accélération. Dès que la vitesse est acquise et tant que l'oiseau vole en dessous de sa vitesse de sustentation la portance au relevage est faible. Elle sert essentiellement à faciliter cette phase. La surface est diminuée et la vitesse de relevage est supérieure généralement à la vitesse de l'abaissée. Au prix d'une intense dépense d'énergie le vol peut s'effectuer à une vitesse inférieure à la vitesse minimum de plané.
3/ Le vol de croisière. A une vitesse égale ou supérieure à la vitesse mini de plané on peut constater que l'oiseau a une aile qui porte aux deux phases Up and Down. Pour y parvenir le travail de l'articulation entre bras et avant-bras est essentiel. Plus l'oiseau est fin, moins la différence de portance entre la phase de remontée et la phase d'abaissée est importante, le temps de remontée peut aussi s'allonger un peu et la trainée induite peut ainsi diminuer sérieusement. Intervient également la réalisation de la boucle qui nous le verrons joue un rôle dans le rendement.
4?/ Je ne m'aventurerai plus dans la description d'une quatrième allure, celle du vol à tire d'aile, car elle pose divers problèmes.
De cette description des allures animales je tire une conclusion que tous ne partagent pas. Nous ne sommes pas en mesure de reproduire correctement les deux premières allures pour les combiner avec la troisième. Il faudrait une machinerie hydraulique compliquée et de commandes complexes ainsi qu'un bonne analyse de ces deux premières phases pour y parvenir. Ce sera pour plus tard. Nous avons principalement à prouver l'efficacité du vol battu en croisière. Le décollage presque sur place et le vol à très basse vitesse sont très intéressants mais d'une part exigent de efforts structurels importants et une grande dépense énergétique et d'autre ne sont vraiment réalisables que par des machines relativement petites.
C'est la domination du vol économique qui permettra la réalisation du vol à moteur humain. Le décollage sera plus difficile s'il se fait en plaine, on pourra penser utiliser un accumulateur soit électrique, soit élastique pour avoir de quoi monter un peu. Mon idée est que des machines destinées à décoller de la pente auront plus de succès. Qui vivra verra !
C'était dirais-je le premier choix du concepteur : a ou les allures de sa machine.

Beaucoup veulent encore expérimenter dans le domaine de l'allure « 0 », je conseille de ne s'intéresser qu'à l'allure « 3 » !

LE TYPE D'AILE
Ensuite il nous faut déterminer le type d'aile que nous voulons construire.

0/ L'aile membrane est le choix facile. L'emplanture est généralement raide et la partie qui encaisse les variations d'incidence suit les mouvements avec plus ou moins de bonheur. Elle est raidie par des lattes. De toute manières il faut se rendre à l'évidence que l'AOA sera plus ou moins le même à l'abaissée et à la remontée. Du coup il faudra récupérer de la portance ou pour mieux dire, la tirer de la traction en inclinant fortement le nez vers le ciel, la queue sera à angle négatif prononcé. Du fait de l'inversion, je doute de l'intérêt de l'articulation bras-avant-bras dans ce cas. L'avantage est que avec quelques pièces de fibre de carbone et un bout de toile de spi on a réalisé une aile. Il y a bien des variantes à de telles ailes , je suis certain que toutes n'ont pas encore été essayées systématiquement, les ailes que je connais semblent un peu « simplifiée ». Kjell attire l'attention sur l'intérêt de la souplesse au bord de fuite. Cela me semble une bonne idée fondée sur des recherches sur l'aile d'insecte. L'attention peut maintenant se porter sur la mécanique. Un vrillage commandé simple et léger serait bienvenu. Le WingDrive à plateau incliné de Kjell serait bienvenu s'il perdait des grammes.

1 et 2/ Si nous décidons de suivre le modèle « chauve-souris » nous bénéficions d'un profil simplifié : la plaque creuse. Pour les petits modèles elle est satisfaisante. Les plus grandes roussettes mesurent 1,50 m , mais notez qu'elles sont essentiellement planeuses avec des performances suffisantes mais modestes : finesse 7 ou 8. Je crois qu'elle devra s'accompagner d'un contrôle de l'incidence et d'un système bras-avant bras. Le repliement est la manière de diminuer la trainée à la remontée et de tendre à voler à l'allure « 2 ». Les chauve-souris ont une membrane très souple qui accepte des variations de torsion et de tension importante. Nous aurons du mal à trouver une baudruche qui vaille le vivant. Qu'à cela ne tienne nous pouvons accepter une remontée avec une toile faseyante, détendue par la position du bras et de l'avant bras, voire de la main qui pourrait être tendue puis détendue au cours du battement. Un seul "tendon" est nécessaire.
Il est certain qu'un bord d'attaque profilé pourra améliorer une telle aile, mais les plus petits exemplaires du genre se contenteront d'un BA très rustique créateur de turbulence.
Déjà la chose se complique et bien peu ont dessiné ou réalisé un telle aile car la simplicité du profil ne donne pas simplicité de réalisation. Notamment les leviers et servos ne trouvent aucune épaisseur où se cacher. Ce serait pourtant un terrain d'expériences du plus haut intérêt, on pourrait modifier un ornithoptère du commerce dans ce sens et faire quelques mesures sur l'efficacité gagnée.
3/ Les ailes profilées souples. Elles sont adaptées au régime de vol économique. Le profil double surface a l'avantage si l'on soigne le choix, de trainer peu aux faibles portances, donc convient à la remontée. La première idée est de réaliser une structure libre en torsion et de lui poser un film souple (de polyuréthane p.ex.). C'est la voie explorée par H. Raëbiger et ses modèles EV.
L'autre solution est représentée par les machines motorisées de Toronto. L'aile est revêtue assez classiquement mais le BF reste discrètement ouvert, ce qui rend indépendantes la peau d'extrados et la peau d'intrados. Ainsi on se passe de revêtement souple mais cette disposition ne peut convenir à tous les profils. Pour cet usage Michael Selig a crée le S 1020 doté de courbes qui facilitent la torsion. Dans le cas de Big Flapper la torsion atteinte était faible. Cette solution proche d'une construction classique en structure est elle capable de nous donner la torsion requise par une aile d'ornithoptère du "21º siècle" ? Avez vous essayé de vriller une tôle ou une plaque de contreplaqué ? Une bosse se forme en diagonale. Si le profil choisi était un UI 1720 l'indépendance des BF ne suffirait pas. Un Clark Y ne serait pas mieux venu pour son intrados plat. En revanche un morceau de gouttière se peut vriller dans une grande mesure.
Restent les plumes. Chacune est relativement rigide mais peut glisser sur les autres, c'est la voie choisie par Georges Fraisé, la difficulté étant de construire léger avec des matériaux « humains ». D'ailleurs même construites en vraies plumes, les ailes des oiseaux sont relativement lourdes D'autres projets suivent ce mode de torsion. Il convient à des profils simple surface sur une assez grande proportion, qui ont l'inconvénient d'avoir beaucoup de trainée aux faibles portances et plus encore en portance négative. Ce choix impliquerait donc une remonté très améliorée, donc pour le moins une articulation bras-avant-bras.
Puisque nous y sommes il est tentant de terminer l'aile par des rémiges. Ce n'est cependant pas facile et elles peuvent provoquer beaucoup de trainée, notamment par les venturis étroits à l'endroit où elles commencent à s'écarter, ensuite si leur disposition est erronée comme je l'ai constaté sur un projet d'un citoyen US qui les a fait se recouvrir première rémige en-dessous de la seconde etc. Pour faire des rémiges il faut réfléchir, expérimenter et regarder l'aile d'oiseau : des tectrices couvrent les rémiges tant qu'elles ne sont pas franchement séparées, le profil des rémiges primaires est un S accentué vers la hampe, cela empêche sans doute la circulation, puis il s'aplatit, et n'oublions pas que les plumes sont contrôlées par des muscles, ce qui n'est pas si facile à imiter.
Les WingGrids LaRoche sont inaptes au vol battu par leur masse et par la répartition rectangulaire de portance. Le projet Jon Howes ne dit rien de la répartition de portance mais le léger trapèze en bout d'aile fait penser que J. H. ne suit pas à la lettre les recommandations LaRoche en matière de répartition de portance. La trainée à faible portance n'en reste-t-elle pas excessive ? L'articulation prévue par J. H. permet-t-elle de pallier à ce défaut ? Ne retrouve-t-on pas la question de l'aile souple non contrôlée ? Pour tout cela mes projets évitent les rémiges sur l'aile battante : pour plus tard.
Si ce ne sont pas des plumes les éléments de l'aile feuilletée de Lenoir glissent les uns sur les autres. Ils constitueraient par leur état de surface un turbulateur énergique ce qui ne serait pas malvenu pour une machine de dimensions modestes. Une peau souple vient-elle améliorer cet état de surface ?. Pour un HPO je doute de la validité de la solution.
Il reste que toutes les bonnes idées sont bienvenues et les mauvaises aussi d'ailleurs, corrigées elles vaudront peut-être de l'or !
Or il y a l'embarras du choix : aile moulée en mousse ; peau de mousse (genre Festo) ; peau en flm relativement épais ; structure recouverte en film élastique (solution Raëbiger) ; division de l'aile en éléments indépendants en incidence (il faudrait soigner l'aérodynamique à la jonction) ... Et je n'ai pas tout en tête !

LE CHOIX DES PROFILS
Quand à moi j'en reste au profil double surface ou simple surface sur très peu de profondeur. Pour cela je dois choisir un profil dont la courbure d'extrados et le S d'intrados soient assez prononcés. Mes BE amincis seront-ils apte à la torsion ? C'est une question qu'il va falloir résoudre rapidement. A partir d'une certaine diminution d'épaisseur faut-il changer de mode de réalisation et avoir une partie moulée en mousse élastique, polyuréthane probablement ?
La construction selon la méthode H. Raëbiger apporte le choix maximum de profils mais notez que ce constructeur Allemand, après bien des modèles équipés du Clark Y a essayé le S1020. L'intrados du Clark Y faisait-il des plis ?
L'oiseau n'a d'autre choix que ses profils très creux. S'ils fonctionnent c'est grâce aux plumes. Circulation sous les tectrices selon l'hypothèse Murray, turbulateur automatique au bord d'attaque de l'intrados quand les premières tectrices se soulèvent, mahutte, rémiges primaires, état de surface, transparence contrôlée, tout est là pour nous éviter de considérer l'aile d'oiseau comme si elle était en bois. Elle permet de bonnes performances, cependant les profils créés par l'homme devraient donner des ailes de performances supérieures en régime stationnaire. Quoique devant le décrochage elles soient plus brusques. C'est pourquoi mon choix se porte sur une aile de hautes performances.
Les profils simplifiés sont plein d'intérêt pour les petites machines. Cependant les plaques creuses entraînent la nécessité de parfaire le mouvement pour avoir une remontée compatible avec la trainée de ces profils, malheureusement importante aux petits angles.

LE MOUVEMENT
Pour voler à l'allure 0 je pense que pour l'instant nous ne sommes pas en mesure de définir les subtilités de mouvement qui procureraient une augmentation du rendement. A basses vitesse l'inversion est totale c'est à dire que la portance qui s'exerçait sur l'extrados vient à s'exercer sur ce qui était l'intrados. La paire de tourbillons qu'engendre le modèle doit alors changer de sens de rotation. La trainée induite qui en résulte est maximale. Si la translation s'accélère la portance à l'abaissée devient supérieure à la dé-portance de la remontée, le centre d'aile est alors porteur et une portance négative se développe sur les parties distales. L'écoulement n'est pas meilleur car l'envergure effective se trouve réduite par une circulation transverse qui tend à s'inverser.
Par ailleurs le type de profil apte à cette « allure » est la plaque plane ou un profil symétrique si l'on veut raffiner. La trainée générale du modèle étant importante, une forte traction doit être générée. Il en découle que la portance négative-traction est nécessaire au vol, quoique néfaste au rendement.
Bien que l'entrée d'un modèle conçu pour l'allure 0 dans le domaine des allures 1 et 2 soit manifeste je ne pense pas qu'il y ait beaucoup à gagner si nous améliorons le mouvement par une articulation bras-avant-bras. Celle-ci ne peut être efficace que si l'on a pris soin de réduire la trainée de l'aile et les trainées parasites car elle suppose une baisse de traction.
Comment fonctionne donc aérodynamiquement l'aile articulée ?
Premièrement elle permet le déphasage. Quand commence la remontée de la partie centrale la partie distale continue de s'abaisser. Grâce à ce mouvement vers le centre la traction peut se maintenir et compenser la trainée accrue de la partie centrale. Quand la mi-course est atteinte l'ensemble de l'aile suit sa remontée jusqu'au point mort haut. Commence l'abaissée mais seulement pour la partie centrale. La partie distale remonte en trainant puis plane enfin s'abaisse à l'unisson de la partie centrale jusqu'au point mort bas.
Ce déphasage est fort utile à l'amélioration de la répartition de portance mais nous verrons qu'elle nous complique la détermination du vrillage et sa commande. Un vrillage mécanique simple ne suffirait pas !
L'articulation peut aussi réaliser total ou partiellement le balayage dans lequel l'aile avance pendant l'abaissée et recule à la remontée, dont on tire deux avantage.
1/ La vitesse un tant soit peu accrue donne une portance accrue (et réduite à la remontée) avec un changement d'AOA moindre. Le tourbillon de changement d'angle est réduit.
2/ D'autre part l'accélération qu'implique la traction est d'abord donnée à l'aile même, puis transmise au corps. Ce balayage serait intéressant s'il partait de l'articulation principale, près du corps, mais la réalisation se complique singulièrement. Par ailleurs la chose se complique plus encore quand on examine les mouvements de galop dus à ces changements du centre de gravité. Ceci pourrait nous faire provisoirement écarter le balayage pour le réintroduire quand nous saurions mieux l'utiliser.

LE VRILLAGE
La question du vrillage est de la première importance. Comme une hélice ou une paire de pales d'aéro-générateur l'aile battante doit respecter les incidences où le profil donne son rendement. Les AOA resteront sans aucun doute plus élevés à l'abaissée qu'à la remontée. Mais nous avons intérêt autant que se peut à réduire cette différence, par la finesse de l'engin et par le balayage s'il s'avère réalisable ! En tout état de causes ces AOA favorables vont de quelques degrés positifs à 6-8º pour des profils de modèle réduit. Beaucoup me diront que je ne fais pas assez de cas des phénomènes transitoires ! Certes je préfère les ignorer dans cette première approche et les rechercher plus tard quand nous aurons une meilleure idée de ce qu'il se passe. La démarche sera alors assez simple : augmenter l'AOA au début de l'abaissée et voire s'il y a amélioration des performances ! Mais pour les raisons évoquées ci-dessus comme pour des raisons de mécanique du vol le contrôle est indispensable.
Lenoir a obtenu une amélioration de l'économie de vol d'un modèle du commerce par ce contrôle. Avec une aile profilée et articulée il donnera des résultats encore plus détachés des 100 w par kg des ornithoptères actuels.
Car la chose se complique. J'ai vaguement évoqué le vrillage complexe au début de la remontée. De l'emplanture jusqu'à l'articulation le vrillage est du type « moulin à vent ». Après l'articulation cette torsion diminue et passe à la torsion hélice car la partie distale prolonge l'abaissée. Puis vers la mi-course l'aile devra repasser en torsion moulin à vent. En fin de remontée nous aurons à retarder le retour à la position hélice. De même les passages au points morts hauts et bas nous feront passer par des incidences et AOA de plané.
Si l'on veut maintenir le rendement sur une bonne plage de vitesses il faudra changer ces « dosages » pour chaque vitesse et selon que l'on veut grimper ou descendre. Par la même occasion il faudra adapter le vrillage à la fréquence de battement.
Si nous rentrons un peu plus dans les détails il faudra savoir quelle est la déflexion de l'air à chaque instant du battement. Cette correction n'a l'air de rien mais les complexes variations de la répartition de portance vont changer l'angle induit constamment. Les vitesses se composent : repliement et dépliement ainsi que balayage ajoutent ou soustraient à la vitesse air. Et les accélérations-freinages amènent à faire d'autres corrections.
Certes pour analyser profondément tout cela il faut comme Hamdaoui et Lenoir élaborer des algorithmes qui permettent de faire entrer toutes ces variables. Pour des ingénieurs il n'y a pas d'autre voie. Nous nous plaçons sur un autre terrain. Certes je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut tout essayer et que nous verrons bien ! Je propose de calculer une dizaine de points de chaque phase, en tenant compte des compositions de vitesses et incidences. La déflexion instantanée devra être appréciée le plus précisément possible mais nous devrons être surtout attentifs aux changements d'attitude de l'engin et aux accélérations. En répétant ces calculs pour 5 ou 6 tranches de l'aile nous aurons une loi de vrillage que nous tenterons de faire imiter par l'électronique d'un servo ou par une came. Ce seront les données de départ d'un modèle de vol libre à vitesse constante, la meilleure pour le taux de montée (d'où l'intérêt de notre régulateur, dans le cas du Wake). En les répétant quelques 4 autres fois pour des vitesses différentes nous aurons les données pour une machine déjà complexe télécommandée ou pilotée.
Certes les algorithmes de Hamdaoui poursuivent un autre but : faire dire à l'ordinateur quel est le meilleur mouvement à un instant donné. Mes calculs d'amateur ne pourront pas déterminer le meilleur déphasage ni faire entrer la trainée induite. D'ailleurs l'investigation sur la trainée induite des surfaces portantes non-planaires n'en est qu'à ses débuts et l'aile en mouvement est un objet non-planaire ou je me trompe. Et je veux bien croire que la trainée induite ne se constitue pas instantanément, quoique je sache que le sujet est pointu. Mais les algorithmes sont en plein développement. Ils progresseront en intégrant plus de données. Les calculs seront plus longs mais les résultats plus intéressants, plus proches de la réalité. Et ainsi on pourra concevoir un ornithoptère efficace avec son électronique d'adaptation au vol en différentes conditions … en quelques heures !
Nous n'en sommes pas encore là. J'ai l'impression que nous sommes toujours à égalité avec les ingénieurs les mieux armés, qui en plus de leurs préoccupations de haut niveau ont à résoudre les mêmes problèmes pratiques … que nous, les amateurs !
Nous allons tatonner dans les réglages de vrillage faute de calculs plus approfondis, mais les premiers résultats ne devraient pas trop tarder si nous en avons la patience.

L'ARTICULATION : SKEW HINGE OR NOT ?
Un dispositif qui nous devons à Jon Howes présente un intérêt certain pour le contrôle du vrillage : l'articulation inclinée que nous avons pris l'habitude d'appeler skew hinge.
Elle provoque une différence d'incidence entre la position en dièdre et la position anhédrale. Pour cela il faut et il suffit que le plan de l'articulation restant horizontal dans la direction du mouvement soit à angle ouvert sur l'avant. Tout le vrillage pourrait venir de ce mouvement mais nous avons des vues plus complexes et visons les très hauts rendement de propulsion. Aussi il faudra compléter ce vrillage par un contrôle du bord marginal.
Cette charnière peut aussi nous donner l'occasion d'obtenir le balayage. Cette fois l'axe n'est plus horizontal mais pique dans le sens de la progression de l'engin. Cela fait avancer l'aile quand elle est en train de passer en dièdre et la fait reculer quand elle passe en position anhédrale.
Une petite différence de dièdre permet d'avoir un AOA inférieur à la remontée. Cette charnière concerne les ailes externes mais une liaison entre les queues de nervures de la partie centrale et celles de la partie externe assure que le vrillage soit transmis.
Il y a d'importantes difficultés de réalisation, notamment pour profiler correctement la séparation entre les panneaux, surtout s'il y a balayage. Le couplage incidence-dièdre-balayage est contraignant car il limite le temps du déphasage en début de remontée. C'est néanmoins une disposition intéressante pour sa simplicité. Je tenterai de l'appliquer à un modèle réduit.
Dans le cas d'un HPO je verrais plutôt que le pilote tout en poussant et tirant le chariot qu'animent ses jambes (un ressort compound venant freiner la remontée il faut bien l'animer) rame avec les bras pour positionner les ailes en dièdre et en flèche, les incidences étant calculées à bord selon les paramètres du vol.

PLANS OU FORME
Je veux entrer dans les choix de forme. Pour l'instant nous éviterons les grands allongements. Nous nous méfierons des empennages trop petits ou portés par un faible bras de levier, tout en sachant qu'il peut être intéressant de rechercher une stabilité à la limite pour avoir un meilleur comportement. Il sera plus facile dans un premier temps de reculer progressivement le centre de gravité.
Reste une immensité de choix. Deux ailes battantes ou quatre ? Dans le type libellule, le déphasage qui pourrait varier au cours du vol joue un peu le même rôle que l'articulation avec déphasage du vol de la chauve-souris et des oiseaux, je passe sur les ptérosaures que je n'ai jamais vu voler. Probablement ils faisaient au moins jouer leur articulation du coude, sinon également les articulations du doigt.
Il faut aussi choisir entre orni total ou partiel. Et la notion de partiel est confuse. Elle peut inclure des machines où une hélice ou un réacteur donne partie de la propulsion. Elle peut également inclure des planeurs propulsés par un dispositif alternatif avec clap ou sans clap. Mon idée est qu'il faut choisir ceci de façon opportuniste. Dans le cas d'un HPO, de mon « Orni » précisément, je crains que nous ne sachions pas faire des ailes battantes de 20 m d'envergure qui de plus abaissent la fréquence de battement. Le rendement musculaire est mieux assuré à 90 coups minute qu'à un rythme plus lent. La difficulté est d'avoir une base rigide pour ces ailerons. Il faut soit étayer les ailes par des mâts profilés, soit concevoir un biplan proche du projet Colab, un biplan entretoisé.
Pour ce qui est du Wake la raison de sa conception en partiel est toute différente : c'est la solution que j'ai trouvé pour avoir une section de fuselage raisonnable et une mécanique entièrement cachée.
Remarquez que dans les deux cas l'aileron suit les règles de battement «oiseau» que je préconise dans tous les cas, peut être même dans le cas d'une solution "libellule". Ce pourrait être le cas si un Orni faiblement motorisé voyait le jour. Pourrait-on envisager une aile arrière de plus grande envergure et profiter du déphasage à la façon des oies sauvages ?
Bien d'autres dispositions sont dans l'air et nous verrons si elles apportent en efficacité, l'imagination a tous les droits d'investir un domaine nouveau et il peut être passionnant d'assister à une explosion de formes.
Maintenant il nous reste à établir un dossier de calculs, du point de vue aérodynamique et du point de vue résistance des matériaux s'il s'agit d'un engin piloté ou de dimensions déjà importantes. A cela ajoutons quelques calculs de stabilité statique et dynamique en plané qui nous garantiront d'une machine incontrôlable et définiront des choses très utiles comme la vitesse maxi autorisée.

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