dimanche 3 octobre 2010

COMMENTAIRES SUR LE SNOWBIRD

Penser sur le Snowbird n'est pas aisé. D'un côté il y a l'exploit qui n'est pas à dédaigner. De l'autre il ne faut pas se tromper. Cet "Aérodyne Oscillant" ne s'est pas approché des performances des aviettes à hélice tels que le Gossamer Albatross ou le Daedalus. Cliquez sur le titre pour accéder au document technique de l'équipe de l'UTIAS.

A cela plusieurs raisons. D'abord la masse à vide de l'appareil était importante, ensuite la conception quoique soignée a peut-être souffert d'un loupé, choix du profil, déformation due à la construction, déformations dues au vrillage, centrage très avant car pour l'effort le pilote veut un appareil très stable mais ça coûte de la portance et de la trainée, et bien entendu câbles et mât qu'il a fallu ajouter. Bref pour voler horizontalement le Snowbird nécessite 620 W., quand avec le même pilote le Daedalus aurait nécessité à peine plus de 200 W. Il faut dire que les 31 kg de ce dernier étaient un détail qui comptait fort et qui lui permit le voyage de Crète a Santorin. Le Velair, que j'aime bien, plus petit, plus rapide, et très léger également (30,5 kg) s'en serait tiré avec 265 W. Mais avec un pilote de 60kg il ne lui fallait que 225 W. Ceci avec un facteur de charge confortable, plus de 3, qui lui permet de supporter les rafales. Félcitations à son constructeur, Peer Frank.

Todd Reichert a donc fourni un bel effort pour lequel il s'entrainait depuis 2006. Cependant ces mouvement lents que nécessitait l'Aérodyne Oscillant impliquaient un fonctionnement musculaire anaérobique. Le meilleur athlète testé sur un tel effort est plus ou moins à égalité avec Todd mais notez que Eddy Merckx arrivait à développer 800 W. sur 20 secondes. Le pédalage est plus efficace semble-t-il, à condition de pédaler relativement vite, autour de 80-90 t/mn. pour l'effort continu, un peu moins peut-être sur 20 secondes … en danseuse? Il faut noter que si l'avant-projet utilisait une sorte de rameur où les bras et le dos participaient à l'effort, le dessin final n'utilise que la poussée des jambes. Le cycliste entrainé et avec des cale pieds, doit tirer la pédale qui remonte, ce qui sollicite d'autres muscles. Tant qu'il faudra 600 W. pour voler les choix de mouvements seront difficiles. Il n'est donc pas certain qu'on ait intérêt à mobiliser plus de muscles avec un mouvement de ramé. En tous cas l'équipe de Toronto est passé d'un rameur utilisé sur un vélo-chaise-longue à un simple pousseur. L'effort est plus proche de celui d'un althèrophile ou d'un culturiste que de celui d'un rameur. Le clampin moyen est loin de cette puissance. Et pour que les aviettes et les ornis aient un intérêt sportif il faudrait qu'ils volent de manière soutenue pendant une heure ou plus. Dans ce cas je pense que le vélo allongé est un bon exemple. Il permet une bonne respiration notamment. Faudra-t-il assumer les déplacements du centre de masse que signifie le mouvement synchrone des jambes ou construire un mécanisme alternant poussée d'une jambe et tirage de l'autre ? Qu'elle était belle pourtant la transmission très simple du Snowbird ! En tous cas il me paraît évident que les muscles releveurs de la jambe doivent être sollicités sans crainte. Ils entrent pour beaucoup dans l'efficacité du cycliste, dès qu'ils sont entrainés. Les cales et les cale-pieds ne sont pas faits pour les chiens ! On a maintenant encore mieux avec les pédales à verrouillage automatique.
Avec des accumulateurs, plus que de simples ressorts ou avec une composition de ressorts (sandows+lamed'arc, comme sur l'Avielle de Jean Marie) un mécanisme absorbant et restituant une force heureusement répartie sur toute la course, on pourra utiliser ces muscles. Il faut que ces accumulateurs absorbent beaucoup de force au relevage des ailes qui ne devient possible qu'avec le tirage des jambes. Ces forces sont resservies au moment de l'abaissée qu'elles facilitent. Le variateur qui assure cette super progressivité des ressorts peut être très simple, une came, un excentrique ferait l'affaire si les ressorts sont des bandes de caoutchouc. Mais si elles ont beaucoup d'avantage en poids ces bandes sont inconstantes dans le temps et restituent avec pertes. Il faudra explorer ce domaine, les ressorts en composite de verre ou de carbone sont une voie, mais il ne faut pas oublier les métaux, alliages d'aluminium ou de titane en particulier. Bien utilisés ils apportent une longue durée de vie et une restitution proche de 100%. Leur problème, le poids !
Donc le ressort de l'aile du Snowbird est son longeron. C'est un tube de carbone comme il est maintenant classique sur les HPA-HPO. Les concepteurs ont choisi de le laisser prendre un dièdre important sous la charge de vol et c'est le pilote qui le ramène à la position "sans dièdre" à la force de ses jambes. Ceci fait qu'il y a un effort minimum à fournir pour travailler ce ressort, sauf à le laisser entrer en résonance. Mais à vue de nez la fréquence propre d'un tel ressort doit être basse. Et je doute que ce type de tube puisse résister longtemps à ce régime, c'est à dire sans butées. D'autre part si le carbone est un matériau élastique, la matrice l'est moins, amortit un peu le mouvement et fatigue.
L'autre handicap que Jean Marie Dellis a noté avant moi, est qu'il y a un seuil au dessous duquel la force est insuffisante pour bouger ce ressort du premier millimètre. Il en tire un raisonnement selon lequel les 620 W. du vol horizontal sont à partager, tant pour la propulsion, tant pour simplement bouger les ailes. Voyez son texte sur le site de l' URVAM-publications. Il me faudra revenir sur ce sujet que je dois murir.
D'un autre côté un ornithoptère se soulève à chaque abaissée des ailes, du moins son centre de masses s'élève. Rien n'est perdu du moins si les vrillages et autres mouvements ont accompagné correctement ce changement. La remontée des ailes devrait être un plané un peu particulier avec plus de perte d'altitude que la finesse plané de la même machine ne laisse prévoir. De même qu'à l'abaissée c'est le centre de masse qui va bouger, en descendant cette fois. Le bilan entre les deux phases doit être nul pour que le vol soit horizontal. En soi il n'y a pas de raison de perte. Le Snowbird serait un HPA lourd et peu performant avec ses 20,9 de finesse et ses 42,6 kg à vide. Mais doté d'une bonne vieille hélice comme on savait encore les faire dans les années 80-90, au siècle dernier, le bon vieux temps quoi, il volerait avec 400-500 W. Ça vous rend nostalgique ... et prouve que « la partie » du vol battu n'est pas gagnée.
Où sont les pertes donc ? Un peu ¿ ou beaucoup ? dans le « travail » du longeron et du revêtement, mais je suis persuadé qu'il faut aussi les chercher dans l'aérodynamique. J'ai crainte que le revêtement n'ondule au cours du vrillage, il faut une baudruche pour couvrir un orni ou il faut une conception apte au vrillage comme c'était le cas de Big Flapper le premier orni de l'UTIAS. D'autre part l'aile aéro-élastique n'est pilotable que si elle est assez « raide », surtout si elle équipe un deux axes sans ailerons. Si elle comporte des ailerons les réactions qu'ils induisent sont difficiles à compenser mais disons qu'on y arrive. Si on doit virer à la seule dérive le vrillage que prennent les ailes avec la différence de charge risque de ne pas laisser l'engin manoeuvrer. Nécessité donc d'avoir des ailes plus raides que celles que le vol battu réclame. Et si vous avez bien regardé les vidéos publiés, le contrôle pour simplement rester dans l'axe de la piste par temps de calme-plat total, était déjà un peu juste. Ce compromis vient de la conception même. La solution qui permet de l'éviter est d'avoir une aile très souple que toutefois on n'abandonne pas à tous ses désirs ! Commandes de vol dans l'aile et commande du vrillage de battement conjuguées, c'est la même d'ailleurs ! Me revient l'idée des lames obliques que j'ai dessiné auparavant, me reviennent les dessins de Jean Marie pour le contrôle de ce même vrillage. La raideur est diminuée en vol lent et accrue en vol rapide. De plus le pilote peut raidir un aile plus que l'autre et obtenir le même effet que des ailerons. Je suis peut-être méchant en qualifiant le Snowbird de 2 axes. Les rallonges ont peut-être un volet mobile ? Mais au bout d'une aile très souple que fait cette partie mobile : tordre l'aile dans le sens non désiré !
Si comme je le crains l'aile du Swnowbird était plus raide que souhaité, les incidences n'étant plus respectées, les caractéristiques déjà décevantes de l'appareil (finesse 20,9) se dégradaient encore plus lors du battement.
Bilan :
1/ un profil un peu risqué si je ne me trompe pas quand je vois le choix d'un DAE 11 un peu modifié au bord d'attaque(voir les photos de 2009).
2/ des ondulations probables du revêtement.
3/ une petite ou grosse perte mécanique dans le travail du longeron ... et du revêtement.
4/ de grosses pertes aérodynamiques pour devoir concilier un peu de manoeuvrabilité et la souplesse nécessaire au vol battu.
Je crois que c'est assez pour expliquer les 620 W.
D'un autre côté tant que les ornithoptères ne se décideront pas à faire la boucle comme les oiseaux, ils auront un rendement d'autant diminué qu'ils sont très grands. Pourquoi ?
Parce qu'il coûte accélérer et freiner constamment un véhicule. Bien entendu un avion ou un planeur montent s'ils accélèrent et descendent s'ils ralentissent. Le bilan d'énergie devrait être assuré, mais il y a toujours une circonstance qui fait qu'il y a perte.
Le mouvement en avant à l'abaissée permet d'accélérer l'aile avant que l'ensemble "n'attrape" cette accélération. De plus il augmente la vitesse-aile lors de cette phase. Le mouvement en arrière à la remontée la diminue et ainsi diminue efficacement la trainée qui lui est due. De plus l'accélération négative est assumée par l'aile avant que le corps perde de la vitesse. Le coup de fouet ou pronation de toute l'aile au début de la remontée est aussi un moyen de transformer la vitesse en prise de hauteur, brutal peut-être, mais les oiseaux en font usage du moins dans certaines circonstances. La boucle est, je pense, la clef du succès du vol battu. Tous les problèmes ne sont pas résolus par ce fait, notamment le « heaving » complique bien les choses. Par ailleurs toutes les astuces possibles pour augmenter l'allongement effectif grâce au battement doivent être explorées, définies, et mises en oeuvre.
Avant de voir une équipe penser tout cela sérieusement je crois qu'il faut convaincre, ce que tente de faire. Je n'ai pas les moyen à l'heure actuelle de réaliser quoique ce soit, pas même un modèle réduit. Mais j'espère que ces circonstances vont changer et que je pourrais faire des expériences profitables.

Ceux de Toronto ont eu beaucoup de courage, de sérieux et des moyens exceptionnels, mais ils nous laissent sur notre faim du point de vue de la démonstration de l'efficacité du vol battu à cette échelle.

LE PROJET DE JON HOWES

Jon Howes propose un ornithoptère bien différent. Avec une aile d'allongement réduit mais avec des ailettes distales qui augmentent l'efficacité envergure, le projet est destiné à une montée puissante ... s'il se peut. Le pilote pompe ou plutôt rame durant un temps assez court et profite de l'énergie hydrolitique de départ. L'aile est articulée au tiers de la demi-envergure. Elle peut prendre du dièdre et de la flèche inverse à l'abaissée. Elle peut aussi prendre de la flèche arrière et du dièdre inverse lors de la remontée. Le « skew-hinge » ou gond incliné donne en même temps une torsion. Cela suppose que Jon ne veut pas se risquer à construire une aile très souple et préfère un contrôle mécanique du vrillage. L'aile externe se charge en même temps de vriller la partie centrale, les bords de fuite ou (et) les longeronnets étant solidaires. Jon Howes a prévu de bloquer l'articulation pour pouvoir contrôler la machine. Ce point comme tant d'autres demande à être développé. En particulier le contrôle devrait être étendu au vol battu par une régulation différentielle des ressorts très élaborés qui sont au programmme. Le faible allongement et la corde généreuse permettent d'envisager un profil d'aile connu mais relativement peu résistant aux petits Re : le UI 1720. Dans le cas du projet de Jon Howes il serait utilisé autour de Re 800K. Il se peut qu'à ce régime il nécessite un turbulateur. On peut aussi envisager de réduire la flèche d'extrados pour l'adapter aux moyens Re. Les « plumes » sont articulées, non pas tant pour suivre le vrillage qui est donné principalement par le skew-hinge, mais pour qu'elles échappent à une surcharge due par exemple aux turbulences.

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